vendredi 24 février 2017

Le saviez-tu? L'affaire Malik Oussekine


Trente ans après les manifestations étudiantes contre le projet de loi Devaquet, la mort de Malik Oussekine hante toujours les mémoires. Ce soir du 6 décembre 86, il est tabassé par des « voltigeurs », ces policiers à moto archi-violents remis en circulation par Charles Pasqua, alors ministre de l'Intérieur. Par Agostina Ziti et la complicité du service « Police-Justice » de Scènes de chasse en Bavière.

Hiver 86. Depuis plusieurs semaines, étudiants et lycéens manifestent contre le projet de réforme des universités: Alain Devaquet, le ministre de l'Enseignement supérieur veut sélectionner les étudiants à leur arrivée en fac et faire rentrer les universités en concurrence. Tous les jours, en marge des défilés, des affrontements violents entre CRS et manifestants font des dizaines de blessés.

Le 6 décembre, après une nouvelle manifestation qui réunit 30 000 personnes, des étudiants occupent la Sorbonne. L'université est évacuée dans le calme, mais quelques étudiants montent une barricade à l'angle de la rue Monsieur-le-Prince et de la rue de Vaugirard, dans le 6ème arrondissement. Une équipe de « voltigeurs » est alors envoyée sur place: des policiers à moto-cross avec pour mission de « nettoyer » les rues en chassant les casseurs. L'un conduit, l'autre est armé d’une matraque ou pire, d'une chaine.

Malik Oussekine, lui, est un étudiant franco-algérien de 22 ans qui veut devenir prêtre. Il n'a jamais manifesté mais ce soir-là, ces amis racontent qu'il « veut voir une manif ». En arrivant dans le Quartier latin, les voltigeurs prennent en chasse les « casseurs » qu'ils croisent, mais aussi tous ceux qui s'interposent. Les journalistes et les riverains aux balcons témoignent: la brutalité des policiers est inouïe. À minuit, deux voltigeurs, le brigadier Jean Schmitt, 53 ans et le gardien Christophe Garcia, 26 ans, repèrent Malik Oussekine et se lancent à sa poursuite. Affolé, l'étudiant s'enfuit rue Monsieur-le-prince et croise un homme, au 20, qui tape le code d'accès de son immeuble. Jean Bayzelon, seul témoin du drame, ouvre la porte à l'étudiant et tente de la refermer sur les policiers, en vain: « Les voltigeurs se sont jetés sur le type réfugié au fond du hall et l'ont frappé avec une violence incroyable. Il est tombé, ils ont continué à frapper à coups de matraque et de pieds dans le ventre et dans le dos, alors qu'il criait « Je n'ai rien fait, je n'ai rien fait! » » Jean Bayzelon s'interpose, reçoit des coups, jusqu'à ce qu'il sorte sa carte de fonctionnaire des Finances. Les voltigeurs s'en vont, remplacés par des journalistes qui constatent l'état de Malik Oussekine: « Il était méconnaissable, impossible de dire son âge ou ses origines. »

Quelques minutes plus tard, le SAMU donne les premiers soins à l'étudiant et le transporte en réanimation aux urgences de l'hôpital Cochin. Mais d'après le rapport du médecin, Malik Oussekine était déjà mort dans le hall de l'immeuble: en plus des coups, il était fragile et souffrait d'insuffisance rénale.

En apprenant la nouvelle, Alain Devaquet démissionne et le gouvernement retire le projet de loi. Dans la foulée, le bataillon des voltigeurs est dissous. Trois ans plus tard, les deux policiers sont condamnés à deux et cinq ans de prison avec sursis. L'un est mis en retraite d'office, l'autre est muté. Charles Pasqua, lui, refuse de condamner les méthodes policières. Depuis 2006, une plaque commémorative est posée sur les lieux du drame.          



samedi 11 février 2017


Notez bien:

Scènes de chasse en Bavière est imprimé sur du papier label PEFC, c'est-à-dire qu'il provient de forêts gérées durablement pour lutter contre la déforestation de la planète.