lundi 3 juin 2019

J'approfondis mes connaissances: Brigitte Lahaie, ancienne actrice porno

Vous gardez quel souvenir des tournages de l'époque?
Brigitte Lahaie: A la bonne franquette! L'ambiance était presque hippie. On ne se prenait pas du tout au sérieux, il y avait beaucoup d'humour. Il y avait aussi un parfum libertaire, on avait l'impression de faire bouger les choses. C'est ce que cherchaient certains réalisateurs comme Francis Leroy ou Claude Mulot: ils étaient rebelles et voulaient secouer une société bourgeoise très coincée. Il faut se rappeler de l'époque: la contraception en est à ses tout débuts et les débats sur l'IVG sont très nerveux. Et puis, au plan cinématographique, il y avait toujours une recherche de qualité. Sur les plateaux par exemple, il y avait toujours une maquilleuse, c'est plus le cas. En tout cas, on essayait de faire du cinéma. Aujourd'hui, il n'y a plus vraiment de films: les trois-quarts du temps, c'est plutôt des séquences de 7-8mn, le temps d'une masturbation. Il n'y a plus de recherche esthétique, c'est plus un produit de consommation qu'un exercice de 7ème art.

Le porno d'aujourd'hui est beaucoup plus violent qu'avant. Est-ce qu'il pourrait expliquer la violence de la société?
C'est le contraire: la société est violente donc le porno est violent. C'est toujours la société qui influence l'art, pas l'inverse. Aujourd'hui, les hommes sont paumés face à la liberté sexuelle des femmes. Avec parfois des pères absents ou au chômage, c'est difficile pour un homme d'être viril. Résultat, le X est le dernier refuge des machos. C'est la même chose chez des garçons de 10-11 ans. Devant des vidéos porno violentes, ils se sentent un peu caïds. C'est triste. 

Comment faire pour changer ça?
Même si la sexualité s'apprend sur le terrain, il faut une éducation sexuelle dès la maternelle. Car il faut bien le dire, les parents ne font pas toujours le boulot. On expliquerait aux petits garçons et aux petites filles comment fonctionnent les uns et les autres. Ça aboutirait à la compréhension, donc au respect. On expliquerait aussi que la vie est aussi faite de frustrations, de désirs inassouvis, et qu'il faut l'accepter. Côté films, il faudrait inventer un cinéma porno-érotique: des scènes explicites mais plus douces. Après, je ne suis pas sûre qu'il y ait une clientèle pour ce genre de films.