dimanche 27 mai 2018

Dernier repas servi à bord du Titanic - 1ère classe - 14 avril 1912

Hors d'œuvre variés – Huitres
Consommé Olga – Crème d'Orge

Saumon poché sauce Mousseline Concombres
Filet mignon Lili
Sauté de poulet à la Lyonnaise et courgettes farcies
Agneau et sauce à la menthe Caneton rôti sauce aux pommes Aloyau de bœuf
Pommes de terre Château - Petits pois – Carottes à la crème Riz – Pommes de terre Parmentier et Pommes de terre nouvelles bouillies

Punch à la Romaine
Pigeonneau rôti et Cresson
Asperges Vinaigrette
Pâté de foie gras – Céleri

Gâteau Waldorf
Pêches en gelée de Chartreuse Eclairs au chocolat et à la vanille
Glace française

lundi 7 mai 2018

CRS, HS!

 Article publié en décembre 2016

A quelques jours des nouveaux défilés contre la loi Travail, les manifestants refont leur stock de Bétadine! Et pour cause: avant l'été, les CRS envoyés face aux casseurs ont pas vraiment fait dans le détail. Dangereuses, inefficaces et démodées, les Compagnies Républicaines de Sécurité font pourtant partie du décor. Pourquoi? Devine!

"On arrive à Nation. Là, on se retrouve encerclés devant la bouche de métro. J'entends « Boum »... Je regarde: j'ai un morceau de grenade (de désencerclement, ndlr) enfoncé dans le tibia. » Ouch! Avec son T.-shirt Homer Simpson et ses Tchin-tchin d'Afflelou, Stéphane, 37 ans, a pas vraiment le profil du casseur de manif: casier vierge et bénévole pendant ses week-ends, il défile contre la loi Travail. Pacifiquement. « J'y retournerai pas, c'est trop dangereux. Les CRS sont... » Nerveux? Oui, si on en croit les témoignages à la pelle et les images qui tournent en boucle sur internet, du photographe tombé dans le coma à l'étudiant rennais devenu borgne à cause d'un tir de flash ball. « Les armes non létales dans la police ont fait exploser les blessures graves, souligne Olivier Fillieule, chercheur en sociologie politique à l'université de Lausanne. Les canons à eau, les gaz lacrymogènes et la matraque sont là pour mettre le manifestant à distance. En revanche, les armes non létales sont là pour blesser. Mal utilisées, elles causent des dommages irréparables. »

Des CRS violents, armés jusqu'aux moustaches, et puis quoi encore? Des techniques de maintien de l'ordre archi-risquées rajoute Alexandre Langlois, secrétaire général de la CGT-Police: « Encercler une foule, ça ne devrait plus exister. C'est dans les manuels et même les livres d'Histoire: toutes les manifestations qui ont dérapé, c'est à cause de nasses dont les gens ne pouvaient plus sortir. Ce qui entraîne des blessés des deux côtés et attise les tensions. » Car depuis l'état d'urgence, il en faut pas beaucoup pour se retrouver la gueule sous une rangers. La preuve avec ce sociologue de Paris 8. Un matin devant la fac, il est plaqué au sol et matraqué. Dans son PV d'audition, le CRS reproche au gars d'avoir sur lui... des doses de sérum phy. Des bavures à gogo? Circulez, répond le ministère de l'Intérieur: après les 1 500 manifs contre la loi Travail, seulement 48 enquêtes ont été lancées par la police des polices. « Sauf que la plupart des gens blessés par les CRS ne portent pas plainte, rappelle Stéphane. Ça sert à quoi? De toutes façons, les ministres couvrent la police avant même d'avoir lu les rapports. » Total, la Ligue des droits de l'Homme réclame une enquête parlementaire sur les violences policières des dernières semaines. Dans son communiqué, elle rappelle que malgré le contexte, « rien ne saurait justifier les débordements auxquels se livrent les forces de l'ordre en faisant un usage disproportionné de la force vis-à-vis de citoyens, souvent jeunes, qui manifestent pacifiquement leur opposition au projet de loi Travail. » OK, nos CRS ont la matraque un peu lourde. Mais au final, ils font le job, non?

Pas vraiment, nous dit Sébastien Louis, Docteur en Histoire et spécialiste du hooliganisme. Au dernier Euro, il était à Marseille quand les hooligans russes ont déboulé sur le Vieux-Port pour se farcir du supporter anglais. Bilan, deux jours d'émeutes et des images diffusées jusqu'au Pôle Nord: « J'ai vu une police apeurée, fatiguée, qui avait besoin d'une hiérarchie compétente, ce qui n'a pas été le cas. C'est bien  beau  de faire des répétitions avec des étudiants mais quand on se retrouve face à des hooligans russes pratiquant le MMA, c'est autre chose. » Et au milieu des chaises qui valdinguent et des vitrines qui tombent, des commerçants marseillais un peu surpris qu'aucun CRS ne pointe le bout de son casque: « On n'intervient pas sans ordre, explique Yannick Danio d'UNSA-Police. Il y a une hiérarchie à respecter. Quelques CRS ne vont jamais prendre l'initiative de charger d'eux-mêmes. Il faut attendre l'ordre de charger. D'où cette impression de lenteur parfois... » Une impression? « Parfois, on voit des manifestants s'équiper de casques et d'armes juste devant nous, et aucun ordre n'arrive », raconte Langlois, de la CGT. Mais entre nous, des CRS moyennement efficaces, c'est pas nouveau: entre les manifs contre le plan Juppé en 95, en passant par le CPE en 2006 ou la Manif pour tous il y a deux ans, les cortèges qui dégénèrent font partie des spécialités françaises, comme le maroilles et le TGV. Alors au fond, c'est quoi le problème?

Pour Fabien Jobard, co-auteur de Sociologie de la police, la France est un peu à la bourre question maintien de l'ordre: « Nous sommes encore imprégnés par la fin du 19ème siècle et La psychologie des foules de Gustave Le Bon, selon laquelle une manifestation est une masse animale indistincte. La doctrine inverse, qui a été adoptée par l'immense majorité des pays européens, voit au contraire la foule comme un ensemble d'individualités. » En Allemagne par exemple, des « policiers de contact », sans armes et en gilets fluo, viennent discuter avec les manifestants pour leur expliquer ce qu'ils vont faire, y compris en cas de problème. Idem en Suède et en Grande-Bretagne avec les « officiers de liaisons », ou les Peace Unit aux Pays-Bas. Pas vraiment le délire de nos CRS, chauffés au cornichon-rillettes dans les fourgons Peugeot: « La police française se targue d'exporter son modèle de maintien de l'ordre mais ne se rend pas compte qu'elle parle d'un temps révolu. Les seuls pays à qui elle vend encore son savoir-faire sont des régimes autoritaires chancelants d'Afrique ou du Maghreb. » A l'ancienne les CRS? En tout cas, pas beaucoup changées depuis 44, date de leur création. C'est pourtant pas compliqué d'arrêter dix mecs en capuche! A moins que...

Olivier Fillieule, le chercheur en sociologie politique, est surpris quand il voit les images des manifs contre la loi Travail: « Ce qui paraît frappant ici, c'est que ça ressemble à une stratégie délibérée qui déroge à de nombreux préceptes du maintien de l'ordre. Les raisons d'une telle stratégie sont ouvertes à interprétation. Mais la recherche d'un pourrissement de la situation est très difficilement contestable. » Tu veux dire que les manifs qui dégénèrent, c'est fait exprès? « On a l'impression que tout est mis en œuvre pour que la situation dérape », poursuit Langlois: « Prenons l'exemple du 9 avril. En fin de journée, nous savons qu'un groupe de casseurs dangereux vient d'arriver gare du Nord pour aller perturber Nuit debout, à République. Une compagnie de CRS se trouve sur leur passage, prête à intervenir.  Mais  ordre  leur  est  donné  de les laisser gagner place de la République, avec les conséquences que l'on connaît! » Chez Alliance, le syndicat policier d'en face, on confirme: « Quand vous voyez des casseurs détruire les vitrines, saccager des panneaux publicitaires, se servir des tubes néons pour attaquer les forces de l'ordre et que des policiers mobilisés en face d'eux doivent attendre une heure pour intervenir, on se demande bien pourquoi. » Pourquoi? J't'explique: en cognant sur des 1ère année-philo, tu fais peur aux manifestants pacifiques et tu décourages les contestations futures. Et en laissant faire les casseurs, tu files une mauvaise image au mouvement. La preuve avec ce CRS qui a vidé son sac au JDD en mai dernier: « Une manifestation qui se passe bien, on parle du fond. Mais quand vous avez des casseurs, on se focalise sur les violences. J'ai l'impression d'être devenu un pion politique. » Finalement, pas besoin d'un tir de lacrymo pour pleurer!